En simplifiant, le christianisme (le catholicisme) a 20 siècles et compte environ 1,3 milliard d’adhérents. Facebook a 14 ans et compte 1,2 milliard d’utilisateurs quotidiens. Comment une start-up fondée il y a un peu plus d’une décennie est-elle arrivée à avoir autant de fidèles qu’une grande religion mondiale ? Certains passent bien plus de temps à être sur Facebook qu’à l’église. Ils lisent plus de posts que de chapitres de la bible, et parfois les deux mondes se rejoignent aussi. Ils lisent les passages de la bible sur Facebook. Ceci peut se généraliser à toutes les religions.
C’est vraiment très simple. Facebook puise dans un autre désir humain profond : le besoin de relations sociales. Nous avons un instinct grégaire (besoin d’être en groupe pour survivre.) Une des pires punitions dans les prisons est d’isoler une personne.
En effet, d’après les chiffres, Facebook serait l’entreprise humaine la plus réussie de tous les temps, nourrissant nos amitiés, nous aidant à rencontrer de nouvelles personnes et à nous reconnecter avec d’anciens compagnons. Cela a un effet direct sur notre bonheur. Pensez bien que ce que vous montre Facebook sur votre profil est complètement différent de ce qu’il montre à votre femme, à votre voisin, à votre collègue… Il nous conforte dans toutes nos croyances (même les croyances les plus farfelues.) Dès lors, je propose souvent aux gens de regarder en parallèle plusieurs comptes facebook pour voir l’écart gigantesque entre chaque utilisateur et ce que l’algorithme (robot) choisit de vous montrer. Plus vous êtes conforté dans votre croyance, plus vous y passez du temps et plus il vous montre ce type de choses…beaucoup estiment que c’est très récurrent… donc vrai.
Renouer avec un vieux copain de lycée, échanger des messages avec un copain de l’extérieur, faire défiler les photos du nouveau-né de notre meilleur ami – toutes ces choses nous donnent une sensation de sociabilité extrêmement satisfaisante. Il relève de miracles où des personnes retrouvent des amitiés perdues depuis un demi-siècle mais aussi des harcèlements accélérés à volume gigantesque.
Autrefois, les personnes qui harcelaient (bullies) étaient limitées à la classe, maintenant, c’est tout le collège ou lycée qui peut passivement devenir bully à une vitesse vertigineuse. La lame est souvent à double tranchant.
Mais Facebook, bien qu’apparemment un champion de l’amitié et des relations humaines, a des arrière-pensées. En vérité, c’est après nos données personnelles qu’elle se transforme en bénéfices.
Chaque fois que vous cliquez sur quelque chose, aimez ou publiez ou partagez quelque chose, Facebook note ces informations et les connecte à vos autres informations personnelles, telles que votre âge ou l’endroit où vous êtes allé à l’école. Son algorithme vous connaît souvent depuis une décennie. Il connaît vos amis, où vous vous trouvez, comment vous évoluez, à quel moment un post, une pub sera susceptible d’être cliquée. Il peut même prévoir votre évolution…Nous avons souvent l’impression d’être unique, mais nous avons souvent des comportements de groupes qui vont réaliser les mêmes actions aux mêmes moments, de la même manière. Les marketeurs essaient de comprendre toujours mieux cela avec ces outils statistiques.
Pourquoi ces informations sont-elles intéressantes et si chères ?
Disons que vous avez l’habitude de publier des articles sur Mélenchon et que quelque part dans votre biographie, vous avez écrit le mot « Sorbonne ». Facebook sait maintenant que vous n’êtes probablement pas un fan de France-Soir. En analysant vos amis, ils découvrent que ces derniers préfèrent plutôt des lecteurs de libération. Il commence à vous placer délicatement dans une catégorie. Il s’en fiche que vous soyez de gauche ou de droite. Il gagne de l’argent quelque soit votre parti. Il veut simplement vendre cette information pour le placement de ses espaces publicitaires dans votre feed (ou messenger, marketplace…)
Et c’est exactement le genre d’informations précieuses qui permet aux annonceurs de cibler des groupes de personnes spécifiques (comme ceux qui n’aiment pas France-Soir par exemple mais susceptibles d’acheter un autre magazine) avec des publicités personnalisées.
L’innocence de tout publier :
De plus, le refus de Facebook d’assumer la responsabilité de son contenu signifie qu’il a des coûts très faibles. Si, comme d’autres fournisseurs d’information (journaux nationaux par exemple), elle devait embaucher des éditeurs de contenu, ses dépenses augmenteraient considérablement.
Mais, puisqu’il est considéré comme une plateforme et non comme un média, Facebook peut désavouer tout le contenu qu’il diffuse – un contenu qui n’est en aucun cas neutre ou impartial. Facebook en sait plus sur nos opinions politiques que toute autre entreprise, et son algorithme adapte nos flux d’actualités en conséquence, de sorte qu’un utilisateur de gauche verra plus d’articles de Libération, par exemple.
Mais il y a un problème avec cela : en renforçant les opinions que les gens ont déjà, il accentue la polarisation de la société. Vous n’avez pas à être complotiste pour être inondé de posts qui confortent vos idées qu’elles soient raisonnables ou farfelues. On se retrouve à mettre sur le même plan des articles qui ont pris des milliers d’heures de travail journalistiques avec un post farfelu qui a pris 5 minutes sans vérification ou fondement d’un influenceur polarisant. Si ces articles sont des milliers, Facebook va les rendre encore plus visibles… Pensez aux pseudo avis médicaux et conseils douteux…
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